dimanche 29 janvier 2012

[J.J Fdida - R.Lejonc] Le petit chaperon rouge ou la petite fille aux habits de fer-blanc

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"Il y eut des contes avant Perrault, qui ont su traverser les siècles, portés par la parole humaine, transmis de la bouche à l'oreille, façonnés par la voix et polis par l'usage. D'où viennent-ils? De la nuit des temps. Qui les créa? La bouche d'ombre. Sans doûte sont-ils issus de peurs immémoriales.

Et cric et crac! Le conte est dans mon sac!

 

 

                                                   

"Là, elle rencontre le loup qui lui dit:

 

 D'où est-ce que tu viens?

chemins chaperon rouge

Où est-ce que tu t'en vas?

 

La petite a répondu:

 

Je m'en viens de ma Man

Je m'en vais chez ma grand.

 

Tu t'en viens de ta Man

Tu t'en vas chez ta grand?

Bien. Mais quel chemin vas-tu prendre?

Le chemin des épingles ou le chemin des aiguilles?

 

Oh! a dit le petit chaperon rouge

 Je préfère le chemin des épingles avec lesquelles on peut s'attifer

Plutôt que le chemin des aiguilles avec lesquelles il faut travailller."

 

 

chaperon rouge fdida

 

 

 

 

"Oh! Ma grand! Comme vous êtes poilouse!

 

C'est de traînesse et de viellesse mon enfant

 

Oh! Ma grand! Comme vous avez la poitrine plate!

 

C'est d'avoir trop allaité mon enfant."

 

 

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"Le loup a compris qu'il avait été berné

Il a sauté sur ses quatre pattes.

Et a couru derrière la petite.

Il la voyait qui allait vers chez elle.

 

Juste au moment où il allait la saisir

Elle lui a claqué la porte au nez.

Il s'est dit qu'il l'attraperait bien un autre jour.

Mais tandis qu'il retournait vers la forêt,

il l'entendait de derrière la porte,

qui le narguait en fredonnant cette petite chanson:

 

Mes petits tétons viendront,

Ma grand-mère, ma grand-mère,

mes petits tétons viendront

Et les vôtres s'en iront."

 

 

 

 

J.-J. Fdida et R. Lejonc, Le petit chaperon rouge ou la petite fille aux habits de fer-blanc, coll. Contes du temps d'avant Perrault, Didier Jeunesse.

 

Je ne serai pas un sage

Je me concentre sur les imperfections
Celles qui m'agrippent
Et qui me tordent
Donnant des hallucinations
Je persévère
Sans avoir l'air
D'avoir une seule
Idée en l'air
J'ai trop peu de temps
Ou trop de temps
Et j'articule en bafouillant

J'accentue
Et je souligne
le goût des autres, illégitime
Je carbure à l'inconstance
Des gens fourbus
de transparence
Je retiens leurs mots
Je les écrase
Je les torture
Je les transforme
Je les surveille
Je les agresse
sans rien de plus à mettre en forme

Je bois la peur
de disparaître
Rien n'est plus sûr
Sans ça je reste
Une fille
Un clan
Une maladresse
J'ai peur du monde
Et plus rien ne me caresse

Je ne m'adresse à plus personne
Et je sens que je dysfonctionne
Sur le silence que j'affectionne
Je pose des mots qui m'emprisonnent.

mardi 24 janvier 2012

[Majolaine Leray]

J'ai découvert cette illustratrice parce qu'on a apparemment la même obssession du petit chaperon rouge. Elle a illustré la version pièce de théâtre de Joël Pommerat et sa propre version (je vous en parle ici plus tard).

Comme quoi, on n'est pas toujours isolé dans ses névroses...

 

Vous pouvez aller voir son site http://marjolaineleray.com/ sans pour autant vous attarder sur la partie graphisme inintéressante

lundi 23 janvier 2012

J'ai fait un tour autour de moi

Ceux qu'on regarde de loin

Ceux qu'on se déchire à essayer d'approcher

Ceux qui n'arrêtent pas de tourner et tourner et tourner

Ceux qui ont fait un sourire juste au bon moment

Ceux qu'on a laissé entrer là

Ceux qui n'arrêtent pas de tourner et tourner et tourner

Ceux qui sont bien à rester là

Et ceux qu'on a laissé nous laisser

samedi 21 janvier 2012

[Clément de Gaulejac] cappuccetto rosso

passage piétons editions

l'influence - par Kyrielle, mais pas que

Parce que je suis entrée dans le théâtre pas la porte Karl Valentin. une porte que j'ai ouverte pour eux aussi. Parce que j'ai en mémoire mes premières pièces écrites comme les leurs. Une boucle loin d'être bouclée.

Du coup, un auteur qui me tient à coeur et que je lisais un peu trop à l'époque, à en voir la copie inconsciente des procédés.

Un homme assis sur un banc au milieu de la scène. Il croise une jambe sur l’autre. Il les décroise. Les recroise. Un petit manège qui ne s’arrête pas. Au fond de la scène, un arbre. Tout en haut, un nid. A sa gauche, une porte, fermée. Il la regarde fixement. Puis il détourne la tête. Le moindre bruit fait basculer son cou sur la gauche. Un autre homme entre. Il soulève son chapeau en signe de salut. Il se dirige vers la porte d’un pas décidé.

L’homme au banc : A votre place, je ne ferais pas ça.

L’homme au chapeau se retourne, interloqué. Il jette un coup d’œil sur la porte. Un temps.

L’homme au chapeau : Pourquoi ?
L’homme au banc : Mais allez-y si vous voulez.
L’homme au chapeau : Je ne vais pas y aller après ce que vous venez de me dire !
L’homme au banc : Je vous ai juste prévenu…

Un temps. L’homme au chapeau reste muet.

L’homme au banc : …après, vous faites ce que vous voulez.
L’homme au chapeau : Qu’est-ce que vous racontez ??
L’homme au banc : J’ai seulement dit que si j’étais vous, je n’ouvrirais pas la porte.
L’homme au chapeau : Je ne dois pas ouvrir la porte ?
L’homme au banc : Ah ! Mais je ne suis pas vous ! Je ne sais pas, moi, ce que vous devez faire.
L’homme au chapeau : Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
L’homme au banc : Ah non ! Pas une histoire. Je suis là, moi. Je préviens. Vous voyez, tout à l’heure, une jeune femme est passée. Je l’ai prévenue. Elle est revenue sur ses pas. C’est tout. Moi, je préviens.
L’homme au chapeau : Mais pourquoi est-elle revenue sur ses pas ?
L’homme au banc : Parce que je l’ai prévenue. « Je ne ferais pas ça si j’étais vous », je lui ai dit. Elle m’a remercié et elle est partie.
L’homme au chapeau : Et elle est partie comme ça ? Sans demander pourquoi ?
L’homme au banc : Il n’y a rien à demander. C’est juste pour prévenir.

L’homme au chapeau commence à bouillir. Il se dirige vers la porte. Il pose la main sur la poignée. Il commence à la baisser pour ouvrir.

L’homme au banc : Moi, je dis ça pour vous.

Plein de colère l’homme au chapeau retient son geste. Il se retourne d’un coup.

L’homme au chapeau : Cette fois, ça suffit !
L’homme au banc : Ne vous énervez pas. Heureusement que je suis là. Sans moi…
L’homme au chapeau : Sans vous, je serais déjà de l’autre côté de cette porte !!
L’homme au banc : Peut-être, mais vous n’auriez pas été prévenu.
L’homme au chapeau : Mais prévenu de quoi à la fin ??
L’homme au banc : Mais de ce que vous trouveriez derrière cette porte .

L’homme au chapeau se prend la tête dans les mains. Il s’assoit à l’autre bout du banc, comme frappé par la fatigue.

L’homme au banc : Moi, ce que je fais, c’est que je préviens. Quelqu’un arrive, je lui dis ce que je vous ai dit. C’est tout. Par exemple, tout à l’heure, un homme est passé. « Je ne ferais pas ça, si j’étais vous », je lui ai dit. Il m’a dit merci…
L’homme au chapeau : Et il est revenu sur ses pas !
L’homme au banc : Non, pourquoi ça ?
L’homme au chapeau : Ah bon ? Alors qu’a-t-il fait ?
L’homme au banc : Il est entré.
L’homme au chapeau : Il est entré ???
L’homme au banc : Oui.
L’homme au chapeau : Et que lui est-il arrivé ?
L’homme au banc : Je ne sais pas.
L’homme au chapeau : Comment ça, vous ne savez pas ?
L’homme au banc : Il n’est pas ressorti.
L’homme au chapeau : Et vous n’êtes pas allé voir à l’intérieur ?
L’homme au banc : Non, pourquoi ça ?
L’homme au chapeau : Il a pu lui arriver quelque chose.
L’homme au banc : Je ne sais pas. Moi, je suis là, je préviens. Après, vous faites ce que vous voulez.
L’homme au chapeau : Et ça vous est égal qu’il ait pu lui arriver quelque chose ?
L’homme au banc : Non.
L’homme au chapeau : Alors pourquoi vous ne bougez pas pour aller voir ?
L’homme au banc : Je dois rester là. Imaginez que quelqu’un arrive. Il ne serait pas prévenu. Et il pourrait lui arriver quelque chose. Non, vraiment, je dois rester là.
L’homme au chapeau : Mais ce n’est pas juste. Si cet homme a besoin d’aide ?
L’homme au banc : Je ne peux pas y aller. Ca ne serait pas logique. Je vous préviens. Je vous conseille de ne pas entrer et je fais tout le contraire. Cela  voudrait dire qu’il n’y a rien derrière cette porte et que je ne sers à rien, assis sur mon banc.
L’homme au chapeau : Vous avez raison.
L’homme au banc : Vous voyez.
L’homme au chapeau : je comprends, c’est difficile.

Un temps. Ils restent côte à côte, les yeux fixés en face, dans le vide.

L’homme au chapeau :Et si c’est moi qui y allais.
L’homme au banc : Ah oui, là, ça ne serait pas pareil.
L’homme au chapeau : Vous m’auriez prévenu. On ferait comme si je vous avais remercié, mais que je ne vous avais pas écouté. Comme ça, vous n’auriez pas servi à rien.
L’homme au banc : On pourrait faire ça.
L’homme au chapeau : Mais si je fais comme cet homme, il peut m’arriver la même chose qu’à lui.
L’homme au banc : C’est juste.
L’homme au chapeau : Alors il vaut mieux attendre ici.

Un temps.

L’homme au chapeau : On pourrait prévenir tous les deux.
L’homme au banc : Vous avez raison.
L’homme au chapeau : Alors, il faut se partager le travail.
L’homme au banc : Je pourrais surveiller à droite.
L’homme au chapeau : Oui, à droite.
L’homme au banc : Mais je connais mieux la porte que vous.
L’homme au chapeau :Oui, c’est évident.
L’homme au banc : Alors, je vais surveiller à gauche.
L’homme au chapeau : Oui, à gauche.
L’homme au banc : Et vous, à droite.
L’homme au chapeau :Cela va de soi.

Un temps. Les deux hommes surveillent leur zone sans bouger. L’homme au chapeau remet son chapeau en arrière. Puis il se frotte le front et le rabaisse en avant. Il réitère ce manège toutes les cinq secondes exactement. L’homme au banc continue de croiser et décroiser les jambes.

L’homme au chapeau : Et qu’est-ce que je dois dire exactement ?
L’homme au banc : je ne ferais pas ça…
L’homme au chapeau : …si j’étais vous. Ca me revient. Et si la personne insiste.
L’homme au banc : Faites appel à moi, j’arrive à gérer ce genre de situation.
L’homme au chapeau :C’est vrai, vous avez l’habitude.
L’homme au banc : C’est évident.
L’homme au chapeau : Et, puisqu’on peut dire maintenant que je suis un peu comme vous…
L’homme au banc : Pas encore, je dirais.
L’homme au chapeau : C’est juste.
L’homme au banc : Vous n’êtes encore qu’un passant. Mais ne vous inquiétez pas. Moi aussi, ce matin, je n’étais encore qu’un passant. Et voyez où j’en suis. Tout arrive.
L’homme au chapeau :Et puisqu’on peut dire que tout arrive…
L’homme au banc :  Enfin, quand je dis « tout », c’est relatif. C’est comme quand je dis « ce matin », c’est pareil, c’est relatif.
L’homme au chapeau : Ah bon ?
L’homme au banc : Evidemment. Tout ne peut pas arriver. Par exemple, je ne pourrais pas être une femme. Ce n’est pas possible. Ou ce banc ne pourrait pas se liquéfier d’un coup. C’est pareil, ce n’est pas possible. C’est pour ça que je dis que quand je dis « tout », tout est relatif. C’est tout.
L’homme au chapeau : Et qu’est-ce que vous entendez exactement par « ce matin » ?
L’homme au banc : Qu’entendez vous, vous-même, par « exactement » ?
L’homme au chapeau : Je veux dire « précisément ».
L’homme au banc : C’est plus clair.

Un temps. Les deux hommes sont perplexes. Ils ont l’air de ne pas se comprendre.

L’homme au chapeau  (découragé): Pourquoi gardez-vous cette porte ??
L’homme au banc : Un canard est enfermé derrière.
L’homme au chapeau (se lève, fou de rage) :Et c’est pour ça que vous arrêtez tous les passants, que vous me faîtes perdre mon temps ???
L’homme au banc : Ca va faire cinq heures qu’il est coincé derrière. Je suppose qu’il a faim.
L’homme au chapeau : Et vous pensez vraiment qu’un canard mange des humains ???
L’homme au banc : Qu’entendez-vous par « vraiment » ?

Un silence électrique.

L’homme au banc : Car si par « vraiment », vous entendez « de manière vraie », alors, non, je ne pense pas qu’un canard puisse manger un humain.
L’homme au chapeau : Alors pourquoi faites-vous tout ça ?
L’homme au banc : Ah, moi, je préviens, c’est tout.
L’homme au chapeau : Comment ça ? Vous m’avez dit qu’il y avait un danger.
L’homme au banc : J’ai dit que si j’étais vous, je n’irais pas. Mais je ne suis pas vous…

Un temps.

L’homme au banc : … Car sinon, je ne serais pas moi.
L’homme au chapeau : Vous m’avez effrayé.
L’homme au banc : Je ne vous ai pas dit qu’il y avait un danger.
L’homme au chapeau : Vous me l’avez laissé croire.

Silence

L’homme au chapeau : Mais pourquoi prévenez-vous les gens s’il n’y a aucun danger ? On prévient d’un danger ! On ne préviens pas de la sécurité !
L’homme au banc : Les gens peuvent ne pas aimer les canards. Moi-même, je n’aime pas les canards. C’est pour ça que je vous ai dit que si j’étais vous, je n’entrerais pas. Mais peut-être que vous, vous aimez les canards.
L’homme au chapeau : Je n’aime pas les canards.
L’homme au banc : Vous voyez, j’ai bien fait de vous avoir prévenu.

Un lourd silence.

L’homme au banc : Imaginez que vous vous soyez retrouvé face à face avec un canard !!

Un temps.

L’homme au banc : L’horreur, non ?

L’homme se rassoit.

L’homme au chapeau : Vous avez raison.
L’homme au banc : C’est évident.
L’homme au chapeau : je n’aime pas les canards.
L’homme au banc : Vous avez raison. C’est un animal cruel.
L’homme au chapeau : Avez-vous déjà regardé les yeux d’un canard ?
L’homme au banc : Non.
L’homme au chapeau : Horrible.
L’homme au banc : Comme vous avez raison.
L’homme au chapeau (pensif) :…
L’homme au banc : Avoir un bec ! C’est terrifiant !
L’homme au chapeau : C’est comme tous les autres volatiles.
L’homme au banc : Tous des horribles bestioles.

Un temps. Un homme passe devant eux, s’apprête à passer derrière un arbre..

L’homme au chapeau : Si j’étais vous, je ne m'approcherais pas dans cet arbre. Mais, je vous préviens, c’est tout.


mercredi 18 janvier 2012

[Jean-Michel Maulpoix] Une histoire de bleu

Nous connaissons par ouïe-dire l'existence de l'amour

Assis sur un rocher ou sous un parasol rouge, allongés dans le pré bourdonnant d'insectes, les deux mains sous la nuque, agenouillés dans la fraîcheur et l'obscurité d'une église, ou tassés sur une chaise de paille entre les quatre murs de la chambre, tête basse, les yeux fixés sur un rectangle de papier blanc, nous rêvons à des estuaires, des tumultes, des ressacs, des embellies et des marées. Nous écoutons monter en nous le chant inépuisable de la mer qui dans nos têtes afflue puis se retire, comme revient puis s'éloigne le curieux désir que nous avons du ciel, de l'amour, et de tout ce que nous ne pourrons jamais toucher des mains.


mardi 17 janvier 2012

la faille

Tu creuses les trous dans le mur

Jusqu'à voir au travers

Je ne suis pas sûre de réussir

Tu sais qu'il est plus sûr de te laisser choir

de ta hauteur

de celle des mots

de ta terreur

Les trous dans le mur, sans s'en rendre compte

Au sol, tu es encore plus haut

Et tu peux voir l'infinité.